Colette, la danse et le féminisme

Colette, la danse et le féminisme

by Callan R.
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Callan R., étudiante américaine et préparant son doctorat en littérature française à l’University of Maryland, a mené des recherches autour de la question suivante :
« La belle époque était-elle vraiment belle pour les femmes ? »
Callan nous fait l’honneur de partager un bout de ses réponses avec la vision de la mobilité du corps féminin dans les oeuvres de Colette. Cet article est un extrait de son mémoire de recherche « La Danseuse Mobile : La création d’une identité féminine dans La Vagabonde ».
Femmes, à vous la danse !

Juliette

Colette est « Renée » dans « La Vagabonde »

La Vagabonde (1910), un des romans à clef de Colette, fournit un regard intime sur la vie de l’autrice. J’utilise le mot « intime » bien que le roman soit un « roman à clef », c’est à dire que les parallèles entre Colette et sa protagoniste Renée sont nombreux et même étonnants. Il est clair que Colette parle de ses propres expériences à travers Renée.

Danse et liberté du corps des femmes

            Tandis que la mobilité fictive est partout dans La Vagabonde, la mobilité physique est plus cachée mais aussi essentielle dans le féminisme de Colette.

La danse permet le contrôle total du corps et en même temps elle permet la liberté d’expression. Susan Foster, décrivant la danse, écrit :

« They [dance and choreography] bring bodies to life, quivering with all of the political, gendered, social, racial, sexual, and aesthetic resonances of which the bodily motion is capable »

(Foster, xi)

Quand Renée danse, son corps est vivant, elle a tout le pouvoir de ses mouvements. Renée est consciente des opinions et des jugements des gens qui regardent à elle. Mais, leurs suppositions d’elle n’ont aucun effet sur le fait qu’elle est libre et indépendante dans son corps. Au sujet de la danse, Renée dit :

« Non, non, il n’y a que de réel que la danse, la lumière la liberté, la musique… il n’y a que rythmer sa pensée, la traduire en beaux gestes »

Colette, 90

Cette citation montre complètement le pouvoir que Renée sent quand elle danse. La danse, c’est le contrôle du corps, de l’histoire qu’elle raconte dans ses “beaux gestes”, et elle sent une indépendance et liberté quand elle danse.

Danse et résistance

Également, Renée trouve un pouvoir dans le doublement de regard quand elle danse, elle est sujet et objet au même temps. Le corps pourrait être un site de soumission ou résistance et à travers la danse Renée et Colette peuvent choisir la résistance.

La danse donne Renée et Colette plus que la liberté de mouvement. Renée reflète son métier en disant:

 « La solitude…la liberté….mon travail plaisant est pénible de mime et de danseuse…les muscles heureux […] »

Colette, 77

Dans cette réflexion Renée est consciente de l’aspect pénible de son métier. La danse lui donne la liberté mais à un prix : celui de la solitude et d’une vie difficile à cause de son métier. Renée doit combattre l’oppression des attitudes vers elle par le patriarcat. Mais, le thème de ce roman est la persistance, or Renée est persistante dans son amour pour la danse et son besoin d’être complètement libre et mobile. Elle trouve un pouvoir corporel dans la danse où elle peut contrôler son corps, ses mouvements; elle peut exagérer ses mouvements ou les cacher, mais c’est un choix : c’est son choix. 

La danse : indépendance physique et économique

En outre, la danse donne à Renée la clé d’avoir l’indépendance économique, une chose qui était tellement difficile pour les femmes à faire à l’époque. Grâce à la danse Colette et Renée peuvent échapper à l’oppression qu’elles ont vécue dans leur mariage. Renée et Colette au contraire préfèrent avoir un métier et une vie pénible en gardant leur indépendance. Le fait que Renée gagne sa vie avec ses danses fait étalage de comment elle peut reprendre son indépendance économique et son indépendance physique. Comme Nicole Ferrier-Caverivière dit dans le préface de La Vagabonde : « La magie de la danse est l’une de ses plus belles conquêtes » (28).

La danse plutôt que le mariage

Une de ses conquêtes est la décision de quitter Max pour que Renée puisse maintenir son indépendance et sa liberté d’être mobile. Dans une lettre à Max elle dit :

« Laissez-moi toute seul à mon métier, que vous n’aimez pas »

Colette, 223

Max n’aime pas qu’elle danse comme métier parce qu’il perd le pouvoir qu’il a sur le corps de sa femme. Pour Max, la situation idéale et celle fabriquée par le patriarcat où la femme doit rester à la maison. Ni Renée ni Colette veulent être mises en cage. Elles veulent danser et exprimer leur indépendance dans les beaux gestes.

Colette et Renée doivent réapprendre à vivre, reprendre leurs vies, leurs corps, et leur indépendance. Elles le font avec la danse.

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